En 1933, Charlotte Beradt, une journaliste allemande et juive (qui deviendra par la suite la traductrice de la philosophe Hannah Arendt), accomplit un acte de résistance au régime nazi à la forme singulière. Elle commence en effet une collection de rêves de son époque, aidée par des amis qui interrogent à leur tour leur entourage sur leur vie nocturne. Elle collecte ainsi plus de 300 rêves entre 1933 et 1939, qu’elle emporte avec elle lors de son exil aux Etats-Unis. Elle considère ceux-ci comme des preuves historiques et sociologiques à charge lors du futur procès du IIIème Reich. Des preuves qui témoignent de la violence inouïe du totalitarisme, capable de re-modeler notre imaginaire dans sa forme même la plus intime et involontaire, et ce, ce façon collective. Un état totalitaire = qui nous possède, tous et toutes, totalement.
Rêver l’époque - anatomie du crépuscule est un projet artistique antifasciste : il s’inspire de l’acte de résistance de Charlotte Beradt et s’inscrit dans sa suite. Nous collecterons donc les rêves de notre temps, cet entre-deux bizarre dans lequel on vit, celui de la nuit qui vient mais où l’espoir luit encore. Les rêves de nos contemporain.es seront nos matériaux pour composer un spectacle qui pose la question de l’inconscient collectif et du temps qui est le nôtre, en l’observant depuis le miroir déformé du monde onirique. Nous choisissons le lieu du théâtre pour ceci, celui de la communauté vivante, quand notre démarche est de positionner notre activité onirique, intime et singulière, comme politique, historique et collective.
Les rêves collectés constitueront également une archive pour la postérité, sismographie de nos imaginaires involontaires entre 2025 et 2027.
Ce sera encore l’anatomie d’un départ qu’on interroge avec les publics, celui que l’on vit toustes :
celui de la montée du fascisme, du crépuscule à l’horizon mais également celui du bourgeonnement des résistances.
Un départ qu’on espère cette fois avoir un retour.
On rêvera l’époque comme on adresse des vœux au ciel pour qu’il ne soit jamais trop tard.